L’île de Quéménès, le petit paradis breton

Environnement L’île de Quéménès, le petit paradis breton crédit photo - © CRTB BERTHIER Emmanuel

Nous sommes certains que ça vous est déjà arrivé : vouloir tout plaquer pour partir vivre sur une île déserte. En même temps, on se demande bien comment on tiendrait. C’est pourtant ce pari fou qu’ont fait Amélie et Etienne en partant s’installer sur l’île de Quéménès. Coup d’œil sur cette incroyable vie de Robinson Crusoé en pleine mer d’Iroise.

L’île de Quéménès, l’écrin de nature par excellence

C’est en plein milieu d’une mer d’Iroise connue pour son agitation, qu’il faut chercher le petit bout de caillou qu’est l’île de Quéménès. Située dans l’archipel de Molène, neuf kilomètres la séparent du petit port du Conquet (29) et donc du continent. Loin d’être les premiers habitants de l’île, Amélie Goossens et Etienne Menguy y vivent tels des Robinsons depuis 2018. Pour autant, ils n’en sont pas les propriétaires. C’est le Conservatoire du Littoral qui rachète l’île en 2003, dont voici la présentation :

  • Le Conservatoire du littoral est un établissement public qui assure, comme son nom l’indique, la protection du littoral depuis 1975.
  • Sa mission est d’acquérir des terrains, d’en protéger la biodiversité, de maintenir les milieux et les habitats naturels pour enfin les rendre accessibles au public.
  • Depuis 2003, il est propriétaire de l’île de Quéménès.
  • Rapidement, son objectif a été de restaurer les bâtiments présents sur l’île pour y accueillir des exploitants (qui sont actuellement Amélie et Etienne) et leur fournir de quoi y vivre à l’année.

Une île autonome en énergie

Vivre à deux sur une petite île, loin de tout, au 21e siècle reste un sacré défi. Pour autant, ne vous imaginez pas qu’Amélie et Etienne vivent à l’Âge de pierre. Bien au contraire ! Grâce aux travaux d’aménagement initiés par le Conservatoire du Littoral depuis l’acquisition de l’île, cette dernière est devenue au fil des années totalement autonome en énergie verte. Dans le cas de Quéménès, avec sa très faible démographie et son éloignement du continent, le recours aux énergies renouvelables s’impose comme une évidence. Un choix en accord complet avec les missions du Conservatoire du Littoral, qui on vous le rappelle, entretient et assure la protection des sites qui lui appartiennent.

« On vit les choses différemment sur Quéménès, on les vit plus intensément » – Amélie Goossens

Éloignés de tout, Amélie et Etienne, disposent ainsi de tout le confort moderne. Panneaux solaires, panneaux photovoltaïques, éolienne, station de phytoépuration, toilettes sèches, connexion Internet, en bref, ils ne manquent de rien. Seulement, si l’île de Quéménès est autonome grâce aux énergies renouvelables, il est important pour nos deux Robinsons de gérer au mieux leurs réserves. Une prise de conscience et des astuces sur les différentes façons de consommer plus responsable qu’Amélie et Etienne aiment partager avec leurs visiteurs.

Vivre à deux sur une île au 21e siècle : notre Robinson des temps modernes nous raconte

Ceux qui y vivent sont indéniablement ceux qui en parlent le mieux. C’est pourquoi, on a décroché notre téléphone, on a attendu trois sonneries et on a eu la joie de pouvoir s’entretenir avec Amélie. Le moins qu’on puisse dire, c’est que visiblement, il fait bon vivre à Quéménès !

Raconte-nous ton arrivée avec Etienne sur l’île de Quéménès ?

Nous sommes arrivés en 2018. Nous avons fait le choix de nous installer ici progressivement. De cette manière, nous avons pu prendre le temps de nous habituer à ce nouveau mode de vie. Nous sommes venus ici par choix et on peut dire que notre adaptation s’est plutôt bien passée, malgré tout le travail qui nous attendait. Bien que nous soyons sur une petite île, nous bénéficions de tout le confort moderne. Nous avons l’électricité et même Internet grâce aux systèmes des énergies renouvelables. Tous nos bâtiments sont autonomes car il est important que nous respections cet environnement. Du coup, bien qu’isolés et loin de tout, nous sommes bien installés.

Comment s’habitue t-on à une vie de Robinson ?

En fait c’est assez simple, il suffit de repenser son mode de vie et de consommation. On n’a pas vraiment le choix. Par exemple, on apprend à être plus prévoyant. Pas question de prendre le bateau juste pour aller chercher une plaquette de beurre. Et puis ensuite, ça nous oblige à nous rendre compte de ce qui est nécessaire ou pas. Avant, j’étais comme la majorité. J’aimais me faire plaisir et faire du shopping ou aller au ciné. Là, si je veux me faire plaisir je dois passer commande, qui comme vous pouvez l’imaginez, ne pourra pas arriver en 24 heures ici ! On s’y fait, et on se fait plaisir quand même, mais différemment.

Est-ce que le continent vous manque ?

Non ! (Rires). Nous n’avons pas peur d’être seuls. En plus nous sommes complémentaires donc nous sommes ravis. Ici, on se satisfait des choses simples. Par exemple, regarder nos moutons passer devant la porte de notre maison nous rend simplement heureux. Depuis que nous sommes là, nous nous sommes recentrés sur l’essentiel et nous sommes épanouis. Evidemment, parfois nos familles nous manquent.

Peut-on dire que Quéménès est une île autonome en énergie ?

Complètement. Il y a 50 m² de panneaux photovoltaïques et une éolienne qui produisent l’électricité nécessaire à l’île. Ainsi, même les jours où il n’y a ni vent, ni soleil, nous pouvons tenir 4 jours sur batterie. Pour ce qui est de l’eau, nous utilisons l’eau de pluie grâce à un système de récupération et de filtration. Viennent s’ajouter à cela 4 panneaux solaires qui eux, servent à chauffer l’eau de la maison d’hôtes. Pour le traitement des eaux grises, nous avons recours à une station de phytoépuration. Et enfin pour les sanitaires, nous utilisons des toilettes sèches.

Sur Quéménès, l’eau est précieuse. Parfois, il nous arrive de nous demander si on va avoir suffisamment d’eau dans nos réserves pour terminer la saison. Du coup, nous veillons à la consommer de façon responsable. Puisque nous recevons également des visiteurs, nous sommes obligés de les sensibiliser à cela, si l’on veut que la maison d’hôtes puisse recevoir du monde pendant toute la durée de la saison. Ce sont des gestes simples, mais par exemple, nous avons installé dans la salle de bain un petit sablier de 3 minutes pour la douche. Evidemment chacun est libre de faire comme il le souhaite, mais il en va de notre respect ainsi que de celui des futurs visiteurs. En partageant avec nos hôtes notre façon d’appréhender la vie insulaire en autonomie énergétique, nous espérons marquer leurs esprits pour qu’à leur retour sur le continent, ils puissent s’engager à leur échelle.

Quelles sont vos activités sur l’île ?

Déjà, ce qu’il est important de préciser, c’est que nous ne sommes pas employés par le Conservatoire du Littoral. Nous sommes locataires de l’île de Quéménès et nous avons obtenu une autorisation d’occupation des sols pour 9 ans. Ce qui nous permet de vivre sur l’île ce sont les revenus qui se dégagent de nos différentes activités. Nous sommes avant tout agriculteurs. Nous cultivons des pommes de terre (primeurs et de consommation), des échalotes, de l’ail et des oignons. Pour que notre démarche éco-responsable soit entière, nous cultivons évidemment des légumes biologiques que nous vendons sur le continent. En ce qui concerne les oignons et les échalotes, nous en vendons une partie. L’autre est transformée et cuisinée en confit autour de 4 recettes.

« En 2019, nous avons vendu environ 2 000 bocaux de confit » – Amélie Goossens

Pour compléter notre activité agricole, nous sommes également éleveurs. C’est pourquoi nous partageons notre quotidien avec un troupeau d’une trentaine de moutons. Avant tout, ils sont là pour nous aider à entretenir naturellement l’île. Cet élevage est important car il s’agit d’une race rustique bretonne. Nous avons choisi les moutons des Landes de Bretagne pour participer au maintien de cette espèce menacée. De plus, ils sont tout à fait adaptés à la vie sur l’île. Ils vivent en autonomie et sont tout le temps à l’extérieur quelque soit la météo.

Depuis 2019, nous avons également obtenu l’autorisation de cueillir les algues de rives. Autrement dit, il s’agit d’haricots de mer, de laitues de mer et de dulses. Une fois cueillies, ces algues sont transformées pour devenir des tartares, autour de deux recettes. Par la suite, elles sont elles aussi vendues en conserves sur le continent, au même titre que nos confits.

Pour finir, nous assurons l’accueil du public en recevant chaque année d’avril à octobre des visiteurs dans nos trois chambres d’hôtes. Quéménès leur offre une parenthèse qui leur permet de se ressourcer, de se retrouver, de s’aérer et de se couper de leur quotidien souvent effréné.

Comment se passe la cohabitation avec les locataires des maisons d’hôtes justement ?

Déjà, il faut bien préciser que ce sont des chambres d’hôtes et non pas un gîte. Du coup, les gens viennent « chez nous ». En ça, le lien est différent. Quand ils arrivent, les lits sont faits, le linge de toilette est prêt pour eux. Nous proposons une formule de trois jours et deux nuits en pension complète. De notre point de vue, c’est super intéressant pour nos visiteurs car ça leur permet de passer une journée complète sur l’île de Quéménès, c’est à dire du lever au coucher du soleil.

Puisque les chambres d’hôtes ne sont pas notre seule activité, nos invités peuvent profiter de l’île comme ils le souhaitent. S’ils veulent, ils peuvent nous aider dans nos travaux agricoles, mais ce n’est pas une obligation. Ils peuvent également se promener, lire ou encore peindre pour d’autres. Bien que pris par les travaux de la ferme, nous nous occupons de la préparation des repas et profitons des déjeuners et des dîners pour échanger avec eux. Ces moments là sont privilégiés, des liens se créent, c’est ce que nous aimons.

Que vous disent les gens en vous quittant ?

Parfois il y a des larmes ! Les gens repartent heureux de l’expérience qu’ils ont vécu. Ils ont la possibilité de nous laisser un petit mot avant de partir s’ils le souhaitent. Ils sont toujours positifs. Le fait de s’être eux-mêmes retrouvés et d’avoir coupé les apaise. Certains repartent avec des astuces pour changer leur mode de consommation et nous promettent d’essayer de les appliquer à leur retour chez eux. Et là, c’est nous qui sommes heureux. Car même si nous notre rôle n’est pas de donner des leçons en matière d’environnement, nous sommes contents si notre mode de vie peut conduire nos visiteurs à réfléchir à leur propre façon de consommer et d’utiliser les ressources de notre planète.

Le mot de la fin ?

Je te parlerai de nos valeurs : simplicité, bien-être et qualité. Sur Quéménès on revient à l’essentiel, on reste humbles face à la nature, sa beauté et sa puissance, tout simplement…

Entre nous, il suffit d’entendre Amélie nous raconter son quotidien avec Etienne pour comprendre que l’île de Quéménès a tout pour plaire. Véritable exemple quand il s’agit de parler du respect de l’environnement, ce petit paradis breton véhicule également un message fort quant à nos modes de consommation et nos styles de vie. Si vous aimez ce genre de démarche écologique, nul doute que vous allez adorer découvrir Rehab, l’initiative bretonne qui dépollue nos océans.

Produit 100% Charentais passionnée de sport et de nature. J'ai découvert la Bretagne... aà contre cœur, (les préjugés ont la peau dure !) et j'en suis repartie en pleurant ! Depuis cette incroyable découverte, il m'est vital de m'y échapper plusieurs fois par an avec mon vélo. Encore une preuve que tout peut arriver sur un malentendu !
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Le Guilvinec
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