Le lac de Guerlédan : derrière ce titre aussi mystique que la légendaire ville d’Atlantide, se cache le plus grand lac artificiel de Bretagne. J’ai connu cet endroit magique très jeune lorsque mes parents eurent la bonne idée de m’envoyer en camp de vacances. Bon compromis pour mon ouverture d’esprit et pour avoir la paix du garnement, du dioul, du fistoulic que j’étais pendant deux semaines.
Je me souviens de cette aventure comme si c’était hier, tellement le séjour fut une bouffée d’air frais. Des journées rythmées de sorties en canoë, se transformant en véritables batailles navales de culottes-courtes. Ou encore de ces séances d’escalade à flanc de falaise au-dessus d’une eau sombre qui était alors plus inquiétante que le vertige de mon jeune âge.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, mais aussi de notre fameux barrage. Mon vertige est du passé et le vestige quant à lui fait peau neuve. C’est sur notre compte Twitter que je vis pour la première fois l’information qui allait me rendre un tantinet nostalgique :
« Guerlédan sera à découvert pendant 6 mois avant d’être à nouveau immergé pour de longues décennies »
Nous voilà début mars et nous décidons avec le quartier-maître Hugo d’explorer l’immense baignoire qu’est le lac de Guerlédan, avant que EDF ne décide d’enlever le bouchon de liège qui en retient ses eaux.
Six mois pour devenir le nombril de la Bretagne
Le temps de voir le niveau des flots se réduire au fil des jours, bons nombres d’acteurs étaient sur le pied de guerre pour assurer une saison record autour de cette star estivale. D’ailleurs, nous nous sommes amusés à pointer du doigt sur une carte forte de caractère, la localisation de ces terres bientôt désolées.
Oui, situé en plein coeur de notre région, l’expression « être le nombril du monde » devient une évidence à nos yeux. Le lac chevauche fièrement deux départements au gré de ses rives :
- Tout d’abord le Morbihan, avec les communes de Saint-Aignan et de Sainte-Brigitte (loués soient-ils).
- Puis les Côtes-d’Armor avec Saint-Gelven, Caurel et Mûr-de-Bretagne (ce nom de commune est aussi lourd que celui d’un patelin dans Game Of Thrones ma parole).
- Guerlédan symbolise la limite entre ces deux départements et rive pour une bonne partie de l’année 2015 toute l’attention sur son lit.
EDF dit : « le barrage fuit » et le barrage se vida
Bien sûr le barrage ne fuyait pas, d’après les experts de EDF un simple lifting s’imposait.
Les vérifications se font à présent de manière subaquatiques. C’est-à-dire en utilisant un robot qui filme le parement du barrage et des spécialistes concluent sur son état. Ces progrès technologiques permettent d’espacer les vidanges et d’éviter de vider une baignoire aussi grande que 50 000 piscines olympiques. Tout de même !
Depuis mi-mai jusque fin octobre 2015 l’assec du lac vivait au train de vie des visites guidées. Pendant cette période l’inspection des parties habituellement immergées et les travaux furent réalisés.
« Assec sûr les vedettes vont moins bien marcher maintenant »
Rendez-vous en terre connue
C’est comme un Frédéric Lopez chevronné que nous décidons la dernière semaine d’octobre de partir vivre cette expérience, qui n’offrira plus un tel spectacle avant quelques décennies.
Sur place nous y découvrons un panorama bien moins lunaire que ce à quoi nous nous attendions, la nature ayant repris ses droits depuis mars. Du coup, on s’amuse en parcourant le sol craquelé :
« C’est un petit pas pour la Bretagne et un grand pas pour Port d’Attache. »
Les couleurs oscillent entre le verdoyant et un écrin marron propre à la saison automnale. Le dernier courant d’eau peine à traverser la vallée, en son sein il n’y a aucun signe de vie lorsque notre regard se concentre sur ses lignes miroitantes. La faune de Guerlédan passée à la trappe ? Non, là aussi au gré de nos recherches nous avons constaté que rien n’avait été laissé au hasard lors de cette vidange.
Le respect de la nature fut donc une priorité de A jusqu’à Z, sur place aucun déchet n’était à déplorer malgré un passage très soutenu depuis les 6 derniers mois. Félicitations à tous, la foi en l’humanité vient de gagner une gommette en forme de pouce « I Like ». Il faut dire que ce n’est pas moins de 1,5 millions de curieux qui se sont aventurés dans la vallée engloutie lors de l’assec.
Le village qui se fait de vieux eaux
Une renommée sans nul doute due à la légende du village englouti. Attention si vous ne voulez pas connaître la vérité sur cette histoire, la phrase qui suit n’est pas pour vous ! Car aucun village ne fut englouti lors de l’inondation de la vallée, seules les maisons d’écluses et quelques autres furent recouvertes par les eaux.
Mince… Je me revois môme sur mon canoë avec les copains, certifiant avoir aperçu le sommet d’un clocher dans les abysses du lieu. Comme quoi la seule cloche ce jour là fut ma naïveté ! De l’eau a coulé sous les ponts vous disais-je et le concept d’une cité engloutie par les flots en plein coeur de la Bretagne me tente toujours.
Et là, au fin fond de la Bretagne, vous pouvez pousser votre chemin pour découvrir une autre surprise : la Vallée des Saints à Carnoët.