Les briochins au rendez-vous !
Tous les ans, Saint-Brieuc est transformée et ses habitants voient leur ville métamorphosée en square de la culture. Leur soutien dans le cadre du festival Art Rock est d’une nécessité incroyable car il a lieu au sein même du centre-ville. Certains de ses habitants vivent donc au cœur de l’événement ! Étonnant, non ?
Une année de toute beauté
Dans la continuité des éditions précédentes, et de celles à venir très certainement, le festival Art Rock s’est montré sous une nouvelle lumière. Chaque année, un thème artistique est défini. L’art a une place terriblement importante. Ce festival se veut être le porteur des Arts, avec un A.
L’avantage, c’est que l’art est strictement personnel et que chacun est libre de l’exprimer comme bon lui semble. C’est comme ça que l’on peut croiser des personnes de tout genre, déguisées parfois de manière bizarre, parfois non. Le but est aussi de vivre et partager du plaisir avec d’autres personnes, peu importe la forme qu’il prend. Ce sont les bénévoles qui nous l’ont dit.
Questions à Alice Boinet, programmatrice
Nous avons eu la chance de pouvoir poser nos questions à Alice Boinet, programmatrice du festival. Découvrez le pourquoi du comment du festival ainsi que quelques secrets qui nous ont été révélés ! (Temps de lecture : 5 minutes)
Quelle est l’histoire du festival Art Rock ? Comment est-il venu au jour ?
Après avoir organisé plusieurs concerts et festivals en Bretagne à la fin des années 1970, l’association Wild Rose, originaire de Quessoy, a créé en 1983 le festival Art Rock, à l’initiative de Jean-Michel Boinet. Leur idée était de créer un événement en centre-ville et qu’il soit pluridisciplinaire. En effet, dès les premières éditions du festival, on retrouvait dans la programmation de la musique mais aussi des expositions, un festival du vidéoclip, du théâtre, de la danse et de l’art de rue.
Comment s’organise un festival comme Art Rock ?
Nous sommes une équipe de quatre personnes qui oeuvrons à l’année pour réaliser ce festival. Carol Meyer s’occupe de l’administration générale et de la production, Aurélie Denis gère la communication, Pascal Maujard mène les relations avec les entreprises partenaires et mécènes, et je suis à la programmation. Notre directeur technique Guillaume Fournier rejoint l’équipe au début de l’année civile. S’ajoutent ensuite deux personnes en service civique pour les relations aux médias régionaux et pour la gestion des 600 bénévoles du festival.
Nous embauchons également trois stagiaires pour nous assister à la gestion des réseaux sociaux, des accréditations et à la technique, ainsi que deux personnes en contrat à durée déterminée qui gèrent la billetterie et la production du festival (réservation d’hôtels, accueil des artistes, préparation du catering…). Pendant le festival, nous travaillons avec plus de 200 salariés, 100 entreprises prestataires et, comme je le disais, 600 bénévoles. Il faut donc beaucoup de mains pour organiser un festival tel qu’Art Rock !
Comment se décide la programmation ?
Tout au long de l’année, je vais voir des dizaines de concerts, de spectacles et d’expositions. J’en retiens certains artistes dont le travail me semble intéressant de présenter au public d’Art Rock. Pour réaliser cette programmation, je suis en contact avec des centaines d’agents qui m’informent de l’actualité de leurs artistes. J’essaye aussi d’être curieuse, de lire de nombreux médias français et internationaux, de suivre les programmations des salles et théâtres, de jeter un coup d’oeil aux ventes de musique en France…Pour mettre de l’ordre dans toutes ces idées, nous nous concentrons sur un thème transversal pour chaque édition. Après les robots, la mode, la peinture et les éléments, c’était la danse qui était mise à l’honneur cette année. Les choix artistiques sont toujours arbitraires. C’est un métier de passion où on doit coller aux attentes du public tout en sachant le surprendre parfois.
Pourquoi ce nom ?
Le festival Art Rock est pluridisciplinaire, son but est de décloisonner les genres artistiques, de faire se rencontrer les publics et les artistes d’horizons parfois très différents. Le point commun de tous est cependant d’avoir une philosophie artistique rock. Celle-ci était plus contestataire et peut-être évidente dans les années 1980 à la création du festival, mais elle continue d’habiter les artistes que nous invitons au festival. Je ne comprends pas les personnes qui, parce que nous programmons Orelsan et Vald cette année, twittent « Art Rock devient Art Rap ». Bien qu’ils soient des artistes hip-hop, Orelsan et Vald sont très rock dans leurs façons de créer, de concevoir leurs chansons et de présenter leurs spectacles.
Quel est son impact sur la démographie et l’économie briochines ?
Nous avons accueilli 70 000 festivaliers cette année, répartis dans les 10 lieux que nous investissons à Saint-Brieuc. C’est énorme pour une ville qui compte environ 50 000 habitants à l’année. Le festival ayant lieu dans le centre-ville, il profite directement aux commerçants briochins, d’autant qu’il s’agrémente d’un off dans une quinzaine de bars et restaurants qui proposent chacun leurs propres programmations et attirent ainsi de nombreux clients. Concernant l’impact économique du festival, nous avons mené une étude en 2017 avec l’institut de sondage indépendant GECE. Ils ont calculé qu’un festivalier dépensait en moyenne 77€ pendant les 3 jours, dont 35€ directement dans le commerce local. Nous sommes donc très heureux de créer un événement qui profite au tissu économique local.
Quelle est la meilleure anecdote au sujet du festival ? Et la plus dingue ?
En 35 éditions, il y a à peu près 35 milliards d’anecdotes ! Cette année, j’ai été émue de voir les deux monuments de la pop française Camille et Catherine Ringer s’enlacer dans les loges en se congratulant mutuellement pour leurs concerts. Plus tôt dans la journée, Philippe Decouflé a pris Philippe Pascal (le chanteur de Marquis de Sade) par le bras pour une visite guidée de son exposition Les Opticons présentée au Musée de Saint-Brieuc. Un festival, c’est beaucoup de rencontres mais aussi beaucoup de rires ! Comme lorsque Vald, programmé le vendredi soir sur la Grande Scène, a envoyé un SMS à Orelsan, venu le dimanche sur cette même scène, pour l’avertir que « Art Rock c’est génial, le public est ultra chaud ! J’ai fait le taf, je te laisse la scène. C’est à toi de gérer maintenant ! »…. Ou lorsque Petit Biscuit remercie le public de Lorient. Gloups, la bourde.
Quelle a été la pire galère rencontrée (s’il y en a eu) ?
Il y a tous les ans quelques galères, forcément. Mais après la tempête en plein concert de Patti Smith en 2007 pendant laquelle il pleuvait des trombes d’eau sur les festivaliers ébahis par sa si belle voix, des dizaines d’annulations de spectacles, et cette année la fermeture de la gare de Rennes couplée à la grève de la SNCF pendant le week-end d’Art Rock … je crois que nous sommes dorénavant parés à toutes éventualités.
Quel live avez-vous préféré au cours des différentes éditions du festival ?
C’est super dur de faire un choix !
J’ai un très bon souvenir du concert de Sonic Youth, venus dans le cadre de la carte blanche au réalisateur Olivier Assayas en 2005. C’était rock, c’était beau, c’était fort. J’ai adoré l’exposition d’arts numériques et de robots tirés de films cultes lors de l’édition United Robots en 2014. Qui peut se targuer d’avoir vu les vrais R2D2 et C3PO, à part le public d’Art Rock ? Finalement, le spectacle pyrotechnique que nous ont offert le Groupe F en 2001 dans la vallée de Gouëdic était époustouflant. C’est un des plus beaux souvenirs du festival : il fallait oser inviter une compagnie travaillant avec des effets pyrotechniques dans une vallée boisée noire de monde ! Et tout cela gratuitement et ouvert à tous.
D’où vous est venue l’idée d’ajouter un festival dans le festival (Rock’n’Toques) ?
Rock’n Toques, c’est la gastronomie qui débarque au festival Art Rock ! L’idée est simple : pourquoi toujours manger de la mal-bouffe dans un festival ? Ne pourrait-on pas proposer des plats gastronomiques à partir de produits locaux et à petits prix ? Ce postulat a germé dans les esprits des chefs étoilés Nicolas Adam, Mathieu Aumont et Jean-Marie Baudic, de l’ancien directeur de l’Office du Tourisme Didier Simon et de Jean-Michel Boinet, créateur du festival. Ils y ont cru et, au bout de onze ans, on peut dire qu’ils ont eu raison. Aujourd’hui, c’est une brigade de 140 personnes menées par 20 chefs qui préparent 16 000 assiettes pour les festivaliers. Chaque année, ils arrivent à ravir nos papilles !
Comme chaque année, le Festival Art Rock de Saint-Brieuc a réussi son pari d’allier cultures, rencontres et musiques. Le tout dans l’une de nos charmantes villes bretonnes qui s’est vue métamorphosée par la vie (courte) d’un festival. Une réussite en tous points, sur le plan technique comme humain. Alors, on se dit à l’année prochaine ?