Un nouvel envahisseur menace la Bretagne ! Là, tapis dans l’ombre de nos côtes, à l’abri du vent et des embruns. Cet importun ne vient pas de la terre, mais du fond de l’océan. Notre agresseur avance en cohortes de milliers d’individus qui déciment tout sur leur passage, tel un véritable conquérant.
Étudions de plus près cet assaillant si singulier, la dorade de Bretagne, la Dorade Royale
La Reine des océans
Derrière cette noble étiquette se cache la Sparus aurata, à traduire littéralement par « petit javelot doré ». Notre créature digne des plus grands combattants est un sparidé ! Cette appellation spartiate désigne les corps de ces poissons aplatis de gauche à droite et de forme ovale. Dominant sa morphologie nous trouvons une nageoire dorsale, accompagnée d’une nageoire caudale fourchue (queue). La dorade arbore une tache noire de chaque côté de la tête et une bande dorée entre les yeux. Car c’est bien ce look qui lui vaut ce surnom de javelot doré, lui qui est capable de fendre les eaux en un éclair.
Alors, me direz-vous, en quoi ce petit poisson si apprêté est-il comparable au guerrier sanguinaire dépeint plus haut ?
Ce sont d’autres attributs qui constituent son attirail… Ses mâchoires, sont composées de canines perforantes et de rangées de molaires puissantes. Cette « croqueuse » de moules (et ne voyez là aucun mauvais jeu de mots) est capable par simple pression de broyer des huîtres et même des crabes. Notre javelot ne perfore pas, il mâche !
De sauvages agressions
Jusque-là, rien ne rend cette espèce plus inquiétante qu’une autre. Mais voilà, la dorade royale pourrait bien nous priver d’un bon plat de moules frites en bord de mer ou encore laisser un vide sur le plateau destiné aux huîtres pour les fêtes de fin d’année.
En effet, un banc de dorades adultes s’attaque à nos fruits de mer bretons préférés. Il peut engloutir jusqu’à 160 tonnes d’huîtres en quelques minutes ! Sacré glouton… Si vous connaissez un gladiateur antique capable d’en faire autant, ne vous privez pas de commenter cet article.
Face à ce drame, peu de recours s’offrent à nous, pas de pétitions ou de manifestations possibles. Même les filets et grillages ne sont pas de taille face à ces prédateurs sans pitié. L’Amazonie a ses piranhas, la Bretagne sa Dorade Royale !
Les sauveteurs passent à l’action
Jusque-là résignés par cet horizon funeste, un espoir perce finalement plus fort que nos javelots dorés !
Le principe ? Hériter d’une technique artisanale, consistant à placer un lecteur CD qui tourne en boucle avec des sifflements de dauphins ! Une fois diffusé sous l’eau, ce sifflotement éloignait les dorades (imaginez si ces doux cris venaient à être remplacés par du Maître Gims ou du Céline Dion… Aucun répit pour nos reines des océans !).
Le doux nom de ce “siffloteur” nouvelle génération n’est autre que Prédador (Un peu comme le nom d’un spartiate à qui on aurait pas envie de faire des câlins).
C’est à Ifremer et au pôle mer Bretagne que nous devons cet appareil acoustique à ondes répulsives.
L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, sûrement aussi inquiet pour nos repas de gourmets que par la pérennité du secteur économique et écologique conchylicole a bien potassé le sujet.
Conchylicole : Ensemble des procédés et des techniques utilisés pour favoriser la production des coquillages (huîtres, moules, palourdes, ormeaux, coquilles Saint-Jacques, etc.).
Le conseil régional de Bretagne aussi à mis la main à la poche, pour un montant global de 564 000€. Petite cagnotte tout de même !
Après des mois de tests, les exploitants sont désormais capables de tenir l’assaillant à une distance d’environ 300 mètres de ses trésors culinaires. En voyant cette armada, il est rassurant de voir qu’une solution sonore fonctionne comme un poisson dans l’eau, pour justement en faire fuir ! L’été approchant, nos assiettes seront assurément bien garnies… Les gourmands peuvent être rassurés !