Contes et légendes bretonnes – Partie 2 : le Finistère

Culture Contes et légendes bretonnes – Partie 2 : le Finistère

Dans notre premier article sur les contes et légendes d’Ille et Vilaine, nous évoquions la forêt de Brocéliande, ses lavandières ainsi que le Diable. Ce deuxième épisode est consacré aux légendes finistériennes. Découvrons ensemble ces deux contes, où l’imaginaire lie le Diable et les Enfers à la réalité.

Le Pont Krac’h

Ce pont, situé à Plouguerneau, est aussi appelé le Pont du Diable. Il est assez rustre et permet de joindre Plouguerneau à Lannilis en traversant l’Aber Wrac’h… à marée basse seulement ! A son bout, côté Lannilis, une croix de pierre…

La légende raconte qu’autrefois, un meunier cultivait du blé sur les bords de l’Aber. De sa récolte, il produisait de la farine de froment, qu’il allait lui-même livrer aux habitants des villages environnants. Pour aller de Plouguerneau à Lannilis, il était cependant obligé de faire un détour qui se révélait pénible, surtout lorsqu’il se trouvait chargé par les kilos de farine.

Un jour alors, il pesta si fort que cela en invoqua le diable sous sa forme de démon.

Le diable, heureux d’être incarné, comprit alors qu’un marché pouvait être conclu avec le paysan fatigué. « Paysan, je t’aide dans ton labeur en te construisant un pont si tu acceptes que la première âme qui le traverse soit mienne ». Trop épuisé pour réfléchir, le meunier accepta.

Le diable se mit alors à l’œuvre, et construisit le pont en une seule nuit. Lorsque l’aube commença à bercer le décor de ses couleurs, le paysan arriva sur la rive du côté de Plouguerneau, avec un sac. Le démon, excité à l’idée de recevoir son dû, exulta de joie. Quelle ne fut pas sa colère quand le meunier, aussi rusé qu’il était, lâcha le chat noir qu’il avait enfermé dans le sac. Le chat ne mit pas longtemps à traverser le pont et fut emporté par les enfers.

« Il faut croire que les animaux ont une âme ».

Furieux, le démon jeta son marteau avec une telle force qu’en se plantant en terre, il prit la forme d’une croix de pierre…
Aujourd’hui, il est encore courant d’entendre que si des hommes tombent du pont, ce n’est pas parce qu’ils sont ivres, mais parce que le diable les a poussés, pour se venger…

Le pont Krac’h a été rénové en 2008 par une association de Plouguerneau, sans techniques ni matériaux modernes. Car si l’on ne peut pas exactement dater ce pont (les estimations vont de -52 avant JC aux environs du Xème siècle), il reste néanmoins un symbole des histoires d’autrefois, que l’on aime se raconter pour se faire frissonner. Il aurait été bien dommage de le dénaturer.

Yeuz Elez, le passage outre-monde…

La Bretagne aussi a sa porte des Enfers. Elle se situerait au cœur des Monts d’Arrée, à Yeun-Elez, et plus précisément au cœur de son immensité bourbeuse. Les marais mystérieux habillés de hautes herbes procurent à cet endroit une atmosphère très lugubre. Il paraîtrait qu’il y aurait un gouffre, nommé « le Youdig » (« la bouillie ») en raison de ses eaux qui, parfois, se mettent à bouillir… Car elles recouvriraient les portes de l’Enfer ! Rien que ça.

En effet, on raconte qu’en des temps passés, il était commun de rejeter les mauvaises âmes, celles qui essaiment la terreur et qui hantent les vivants, par ce trou afin de les enfermer dans l’enfer damné et froid. C’est Anatole Le Braz, et ses Légendes de la Mort, qui nous relate l’histoire de l’Elez.

L’Elez, cette rivière des damnés.

Un vieux recteur, Tadic-Coz, dont on dit qu’il avait la science de la vie mais aussi celle de la mort, savait capturer ces âmes pernicieuses. Il connaissait le secret et le rituel pour enfermer ces âmes dans le corps d’un chien noir, qu’il fallait après guider vers la porte des Enfers. Ceci dit, il était primordial de s’arrêter à chaque presbytère qui se présentait sur le chemin, au risque de voir toute la procession s’annuler.

Avec le prêtre de Saint-Rivoal, quand la nuit tombait et jamais avant, ils gagnaient ensemble le cœur du Yeun Elez. Ils n’oubliaient jamais l’étole noire qui servirait à emmitoufler le chien noir, qui se débattait alors corps et âme (!) pour s’échapper. Une fois l’animal précipité, non sans lutte, dans le marais, on pouvait entendre retentir des détonations et des sifflements. Comme si la porte s’était ouverte et avait laissé l’ambiance des Enfers s’emparer un instant de la vie. La chaleur montait soudainement dans le marais et le calme ne revenait qu’après une longue demie heure chaotique.

Il vous est donc conseillé de ne pas fréquenter cette zone au crépuscule venu. Vous pourriez assister à un rituel qui ne vous laisserait pas indemne…

Que vous vouliez aller de Plouguerneau à Lannilis ou directement dans les Enfers (chacun son truc), c’est par le Finistère que vous devrez passer, vous l’avez compris.

Dans le prochain épisode des contes et légendes bretonnes, consacré au Morbihan, vous apercevrez un aspect du département bien différent de ce qu’on imagine…

Je mange le beurre au couteau et en dépit des années passées loin de la France, je reste très attachée à mon Finistère. Un peu chauvine sur les bords, j'aime l'idée de montrer ma région sous un angle différent et je me base sur une philosophie : nul besoin d'ouvrir les yeux pour voir le monde autrement, il suffit d'ouvrir son esprit.
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Briec
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