Contes et légendes bretonnes – Partie 1 : l’Ille-et-Vilaine

Culture Contes et légendes bretonnes – Partie 1 : l’Ille-et-Vilaine

La Bretagne est une région indéniablement connue pour la beauté de ses paysages et la gentillesse de ses habitants. Mais, il réside aussi au cœur de ses terres et jusqu’aux bords des littoraux, un folklore local très puissant. Ce folklore, ce sont les contes et légendes bretonnes qui l’inspirent : korrigans, fées, magie et autres fantaisies « druidesques ». Tant d’histoires, puisées au plus profond de l’imaginaire (ou pas, qui sait ?) qu’il nous plaît vivement de croire réelles. Avant, les légendes étaient forcément orales, elles étaient transmises de générations en générations. Pour autant, de nombreux contes et légendes bretonnes ont traversé les siècles. Cela nous permet de vous offrir une petite sélection de légendes bretonnes, de celles qui sortent un peu des sentiers battus !

Dans ce premier épisode de notre série sur les contes et légendes bretonnes, découvrez-en deux, bretilliennes et frissonnantes.

La Forêt de Brocéliande

Quel article sur les contes et légendes bretonnes peut donc oublier de mentionner cette belle forêt magique qu’est Brocéliande ? En effet, si la Bretagne est réputée pour ses crêpes et son cidre, elle l’est aussi pour cette forêt, berceau de toutes les légendes et du folklore breton. Mais c’est aussi le terrain de jeu de l’épopée arthurienne. C’est d’ailleurs les romans de la Table Ronde qui nous ont apporté une très grande partie des histoires qui nous sont contées aujourd’hui : Merlin, Viviane, et autres fées… Mais Brocéliande, ce n’est pas que ça, tout n’est pas que magie.

La nuit, il paraîtrait qu’il ne faut pas s’y rendre seul, car tout ce qui y vit ne serait pas forcément bercé par l’envie de faire le bien. En effet, outre le chien noir (ki-du en breton), ou la jument de nuit – ‘night mare’ en anglais, cela ne vous rappelle rien ? -, ce qui arrive après est autant voire plus terrible encore : les lavandières de nuit (kannerezed noz en breton). Ces femmes, damnées pour des raisons variables selon le conteur, battent des linceuls souillés près des eaux du Rauco, au cœur du Val Sans Retour (le lieu où la puissance de Brocéliande est la plus concentrée).

Elles apparaissent aux hommes seuls et une fois le soleil couché, jusqu’à son lever. Il est fortement déconseillé de répondre à ces femmes qui se lamentent et se plaignent du poids de leur linge trop lourd à porter pour leurs bras décharnés. Elles vous demanderont de les aider à tordre le tissu pour l’essorer. Si vous les croisez et que vous ignorez la mise en garde, alors veillez à tordre le linge dans le même sens qu’elles, sinon, soyez assuré de voir la mort en face.

En effet, tous ceux qui ont succombé à leurs plaintes, et qui ont malencontreusement tordu le linceul dans le mauvais sens, auraient été retrouvés noyés dans l’eau, les deux bras et l’âme brisés, bien malheureux d’avoir finalement tordu leur propre corps à la place du tissu… Le seul moyen d’échapper à ces spectres serait de se diriger le plus vite possible vers des terres fraîchement labourées, car elles s’y enfoncent…

Dans la Forêt de Brocéliande, il se passe aussi de jolies choses.

C’est un très grand lieu de recueil pour ceux qui s’y sentent liés, de par les légendes qu’on y raconte ou de par l’atmosphère féérique qui y subsiste malgré tout. Il y règne toujours un climat extrêmement puissant, chacun vient y chercher quelque chose de différent. Cependant, toujours mu par le même besoin de se connecter à quelque chose de plus fort que soi… Néanmoins, méfiez-vous si vous y allez de nuit, qui sait sur qui vous pourriez tomber…

Le Diable changé en fille

Il est souvent raconté que le bon Dieu et les saints venaient régulièrement se promener dans les landes bretonnes ou sur les sentiers de campagne. Mais il est coutume de rappeler que le Diable aussi y prenait son plaisir. Cette légende prend place à l’époque où le compagnonnage exigeait que l’on fasse un tour de France. Les compagnons, vieillissants, aimaient ainsi raconter leur périple de jeunesse.

Un jour, à Rennes, deux compagnons de l’artisanat de la charpente quittèrent la ville en direction de Nantes où ils espéraient pouvoir travailler. Ils arrivèrent à Bain, dans l’après-midi et trouvèrent une auberge où ils purent se restaurer tranquillement. Une fois le repas terminé, ils allèrent se reposer près de l’étang qui bordait la petite ville. Ils se couchèrent sous un arbre et finirent par s’endormir. Au milieu de la nuit, ils se réveillèrent, se constituèrent un maigre casse-croûte et se lavèrent dans l’étang. Puis ils reprirent la route, malgré une fatigue persistante qu’ils ne parvenaient décidément pas à éliminer. Sur le chemin de Pommeniac, l’un des deux dit à l’autre : « Comme il serait bon de voir un peu de jeunesse bien éveillée pour nous émoustiller ». L’autre lui répondit que, hélas, les jeunes filles ne couraient pas les chemins déserts à des heures aussi avancées de la nuit.

À peines ces mots fussent-ils prononcés qu’ils entendirent des bruits de piétinement à côté d’eux. Ils virent alors, sans vraiment le comprendre, une jeune demoiselle. Elle leur demanda si elle pouvait faire sa route avec eux. Ils ne refusèrent pas, malgré leur effroi : elle était apparue de manière beaucoup trop inopinée pour ne pas éveiller leur angoisse. Leur route se fit silencieuse jusqu’au village de la Bréharais, où ils s’arrêtèrent dans un cabaret, tant pour s’abreuver que pour tenter de se séparer de la jeune femme. Mais elle les suivit dans le bâtiment où ils se firent tous trois servir une bouteille de vin blanc.

À la lueur de la chandelle, l’un des deux compagnons remarqua un attribut étrange de la demoiselle : à la place des ongles, ce qui semblait être des griffes. Il partagea sa découverte avec son compagnon qui fit mine d’aller fumer sa pipe. Il fit part au cabaretier de la découverte. Le maître de maison, avec l’assurance de l’ancien militaire qu’il était, lui répondit : « Soyez tranquille, je me charge de tout. Invitez-moi seulement à votre table. » Lorsqu’ils furent tous les quatre autour de la table, le cabaretier se saisit de son verre et le jeta au visage de la jeune femme. Un bruit d’explosion se fit entendre, la vaisselle et les vitres se brisèrent, et les bougies furent soufflées. La jeune femme avait disparu, laissant place au vide.

Les deux compagnons reprirent la route. Jamais ils ne surent comment le cabaretier avait deviné, ni comment tout ceci avait pu se produire, mais il est certain que le diable s’était déguisé, et avait espéré pouvoir les emporter avec lui.

Et si vous le croisez, peut-être ne le devinerez vous pas non plus, alors méfiance sur les chemins bretilliens…

Les contes et légendes bretonnes revêtent un aspect parfois diabolique qui ne ressemble pas tant que ça à la Bretagne elle-même, mais qui fait pourtant entièrement partie de son folklore. Dans le deuxième épisode de notre série légendaire, vous découvrirez deux légendes bretonnes du Finistère !

Je mange le beurre au couteau et en dépit des années passées loin de la France, je reste très attachée à mon Finistère. Un peu chauvine sur les bords, j'aime l'idée de montrer ma région sous un angle différent et je me base sur une philosophie : nul besoin d'ouvrir les yeux pour voir le monde autrement, il suffit d'ouvrir son esprit.
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Briec
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