Entre la Bretagne et Nantes c’est « je t’aime, moi non plus »

Culture Entre la Bretagne et Nantes c’est « je t’aime, moi non plus » crédit photo - © Port d'Attache - Marie Kowalski

Attention, vous mettez les pieds sur un terrain particulièrement glissant et c’est en connaissance de cause que nous avons décidé de nous y aventurer. Si certains voudraient voir la Bretagne et Nantes enfin réunies, d’autres s’y opposent fermement. Cette love-story qui dure depuis des années a fini par tous nous perdre ou presque. Pour vous aider à comprendre ce qu’il s’est passé, on a mené l’enquête.

L’histoire entre la Bretagne et Nantes, ça avait si bien commencé

Vous allez penser que nous sommes fous de nous attaquer à un tel sujet. Loin de nous l’idée de prêcher pour telle ou telle paroisse et pour tenter d’éclaircir cette affaire, nous nous en tiendrons aux faits et simplement aux faits. Il faut donc plonger dans nos livres d’histoire pour comprendre ce qui a mené la Bretagne et Nantes à se séparer. C’est en l’an 851 que Francs et Bretons s’affrontent pour la énième fois. Battu, Charles Le Chauve se voit contraint de rediscuter les frontières entre les deux royaumes avec Erispoë, alors roi de Bretagne. Par le traité d’Angers, ils actent la paix entre les deux camps et délimitent les nouvelles frontières de la province de Bretagne. Pavé dans la marre : à cette époque, Nantes est une ville bretonne.

Des siècles durant, la cohabitation ne pose de problème à personne. Pire, elle apparaît même comme une évidence. Ensuite, au 15e siècle, le roi François II fait construire le château des Ducs de Bretagne. Parce qu’il affectionne particulièrement la ville de Nantes, c’est là-bas qu’il décide d’y faire construire la future résidence des ducs bretons. Cette décision, à l’époque pour le moins anodine, est aujourd’hui lourde de sens aux yeux de ceux qui militent pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Et ce n’est pas tout ! C’est également dans les murs du château des ducs de Bretagne que va naître la fille de François II. En 1477, la duchesse Anne de Bretagne, future reine de France, voit le jour à Nantes et solidifie encore un peu plus le lien qui unit sa ville natale à la région qu’elle représente. Si elle savait !

Les causes de la rupture : les différentes versions

Quand il s’agit d’expliquer les causes de la rupture entre nos deux protagonistes, plusieurs versions s’opposent. La première déclare que la création des départements, en 1790, marque l’exclusion de Nantes au reste de la Bretagne. En effet, suite à la Révolution, l’assemblée divise la France en 83 départements. La province de Bretagne n’est plus et laisse place à 5 nouveaux territoires : le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, le Morbihan, les Côtes-d’Armor et la Loire-Inférieure qui deviendra plus tard la Loire-Atlantique que l’on connaît tous.

La seconde version défend la théorie que c’est le Maréchal Pétain qui est à l’origine du divorce entre la Bretagne et Nantes. En 1941, il crée les préfectures régionales excluant ainsi la Loire-Atlantique des autres départements bretons. Ce découpage, censé être temporaire, prévoit que les Nantais au sens large, soient rattachés à la Bretagne dès la fin de la guerre. D’ailleurs, en 1944, une ordonnance abolit les préfectures régionales imaginées par Pétain. Cependant, le mal est fait. Nantes et le département de la Loire-Atlantique ne seront jamais rattachés à la Bretagne malgré les différents travaux de découpage du territoire français qui interviendront après la guerre.

Les dates clés à retenir

Pour ceux qui auraient perdu le fil, voici ce que vous devez retenir de ce qu’il s’est passé entre la Bretagne et Nantes :

  • 851 : signature du traité d’Angers suite à la défaite des Francs face aux Bretons. Il délimite les frontières entre la Francie occidentale et la Bretagne dont Nantes et le pays de Retz font partie.
  • 1477 : naissance de la duchesse Anne de Bretagne, dans l’enceinte même du château des Ducs de Bretagne, à Nantes.
  • 1790 : création des départements. La province de Bretagne est divisée en 5 territoires qui sont le Finistère, le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, les Côtes du Nord (Côtes-d’Armor depuis 1990) et la Loire Inférieure (Loire-Atlantique).
  • 1941 : le maréchal Pétain crée les préfectures régionales. Par ce découpage annoncé comme étant provisoire, la Loire Inférieure est exclue de la Bretagne.
  • 1956 : création des régions. Nantes et son département, rebaptisé entre-temps Loire-Atlantique, appartiennent aux Pays de la Loire.

L’impossible réconciliation ?

Que les Nantais et leurs frères se rassurent, ce n’est pas la première fois que nous, Bretons, on se fâche avec nos voisins : coucou les copains normands ! À bien y regarder, les raisons de nos désaccords ne sont pas si claires que cela et méritent bien qu’on enterre la hache de guerre ! Concernant les Bretons et les Nantais, comprenez qu’il faut bien faire la distinction entre la Bretagne historique et celle dite administrative. Pas sûr qu’Anne de Bretagne serait fière de ceux qui clament que sa ville natale n’a jamais été en terre bretonne. Des siècles se sont écoulés, pour autant l’héritage est resté. Par exemple, l’Hermine choisie par la Duchesse pour être son emblème est devenue aujourd’hui l’un des symboles bretons le plus connu et le plus répandu. Serait-ce un hasard, selon vous, si les volets des plus vieilles maisons nantaises sont frappés de ce symbole typique de la Bretagne ?

Il en va de même pour la langue régionale. En se déplaçant à Nantes et ses alentours, on peut croiser des panneaux de villes traduits en breton. Des associations proposent également aux Nantais, de suivre des cours pour apprendre le dialecte local. Mieux, leurs petits bambins peuvent, eux aussi, le faire dès le plus jeune âge ! Il ne s’agit pas là de s’approprier une histoire qui n’est pas la leur, bien au contraire. Quoi qu’on en pense aujourd’hui, la Bretagne et Nantes n’ont pas toujours été fâchées.

Bretons et Nantais, faites l’amour pas la guerre

De notre point de vue, on pense qu’il ne faut pas en vouloir à ceux qui, par excès de chauvinisme typiquement breton, défendent corps et âme leur région telle qu’elle est aujourd’hui. Cependant, force est de constater que le découpage de ses frontières n’a pas toujours été ainsi. Rappelons que cet article n’a pas pour vocation de prendre part au débat et de discuter du rattachement (ou non), de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Le peuple breton ne se pas défini par ses frontières mais par son authenticité et sa générosité. La région bretonne frappe en plein cœur ceux qui viennent la découvrir. De toute la France et d’ailleurs, même ceux qui ont des préjugés finissent par s’y aventurer et parfois même, ils finissent par rester… Ne dit-on pas d’eux avec plaisir qu’ils sont devenus bretons ?

En bref, l’histoire entre la Bretagne et Nantes est, et restera longtemps, un sujet épineux à aborder avec précaution. La région bretonne que l’on connaît aujourd’hui a une histoire ineffaçable. Qu’on le veuille ou non, les Nantais y sont étroitement liés. D’ailleurs, eux aussi, ont quelques pépites qui valent le coup d’œil et on vous invite vivement à les découvrir.

Produit 100% Charentais passionnée de sport et de nature. J'ai découvert la Bretagne... aà contre cœur, (les préjugés ont la peau dure !) et j'en suis repartie en pleurant ! Depuis cette incroyable découverte, il m'est vital de m'y échapper plusieurs fois par an avec mon vélo. Encore une preuve que tout peut arriver sur un malentendu !
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