Il est des phares bretons dont on se méfit ! Aujourd’hui, l’équipage de Port d’Attache vous amène au large du Finistère, face à l’immensité de l’océan. Dans un endroit où la solitude règne et se terre entre les vagues, la brume et le vent.
Un bâtiment resté fantôme pendant plus d’un siècle (105 hivers au total) et trônant sur son rocher noir : le phare de Tévennec, un phare soi-disant hanté ! Promis, nous allons frissonner en votre compagnie.
L’îlot du diable
Avant que le phare ne soit construit sur l’îlot de Tévennec, ce lieu était déjà connu et redouté des locaux. Plusieurs naufrages se sont produits à cet endroit rude et sauvage, ayant coûté la vie à de nombreux marins. Il y eût dans le passé, un capitaine de navire qui réussit à survivre 4 jours sur l’îlot, mais les secours ne parvinrent pas à le sauver à cause des conditions climatiques. Seul et épuisé par la tempête, l’homme décèdera le cinquième jour.
Les marins racontent que cet îlot est maudit par toutes les âmes des personnes qui sont mortes en ces lieux. Visiblement, ces esprits ne sont pas prêts à tailler une bavette avec les curieux de passage.
Afin de surmonter cette superstition et pour accompagner les marins, le phare de Tévennec fut construit en 1869. Les travaux dureront 5 ans en raison des conditions de travail extrêmement difficiles. L’édifice est situé en pleine mer entre l’Ile de Sein et la pointe de Van. Pendant les travaux du phare, beaucoup de phénomènes paranormaux se seraient produits, relatés par certains ouvriers. On entendait, surtout la nuit, des cris de terreur, des rires démoniaques et des apparitions fantomatiques sur les rochers. Une croix fût même érigée pour arrêter ces phénomènes mais en vain.
Puisque le breton est courageux de nature : le bâtiment fut tout de même terminé, pour le plus grand bonheur de ses futurs occupants ! Croyaient-t’ils.
Le phare qui fit frémir ses gardiens
L’administration qui ne croyait pas à ces histoires embaucha le premier gardien du phare en 1874. Il s’agit de Henri Guézennec qui, peu de temps après sa prise de poste au phare, commença à voir des apparitions et à entendre des voix qui lui disaient :
« Kers cuit, kers cuit… Ama ma ma flag »
Qui se traduit par :
« Va-t’en, va-t’en, ici c’est ma place. »
Le « kers-cuit » trouve son origine dans la découverte, voici une dizaine d’années, d’un tunnel traversant le rocher. Par fortes marées, l’air qui y est comprimé peut produire des sons extrêmement étranges et angoissants.
À cause de toutes ces voix Henri commença à croire qu’il devenait fou et quitta son poste de gardien de phare au bout de quelques mois.
Et des histoires comme celle-ci il y en a malheureusement à la pelle :
Alain Menou, le second gardien du Tévennec, plus téméraire, résiste de 1878 à 1885 puis devient fou à son tour. On soulignera sa belle performance de 7 années…Chapeau ! Alerté de la présence du malin en ces lieux, le curé de Plogoff bénit le rocher, intimant au diable de s’en aller.
Jusque-là et en un peu plus d’une décennie : Tévennec 2 – Gardiens 0. Bref vous l’aurez compris, sur place ce n’est pas la fête au village visiblement ! Si seulement l’histoire s’arrêtait ici… Mais non, une ribambelle d’anecdotes peuvent être encore soulignées.
Comme celle du gardien auxiliaire Milliner y mourant sans que l’on puisse lui porter secours. Comme le fameux capitaine jadis !
Ou celle d’Alexis Kerbiriou du Conquet, rendant l’âme dans les bras de son compagnon qui le veilla deux jours et deux nuits jusqu’à la relève.
Un autre gardien tomba sur son couteau et se sectionna l’artère fémorale. Pas de bol !
De 1900 à 1905, les Quéméré occupent le rocher avec quatre de leurs onze enfants. Sereine la famille ! Une vache pie noire et un cochon, pour lesquels des crèches ont été aménagées, assurent en partie la subsistance de la famille. Histoire d’être plus malin que le malin lui-même ! Cela fonctionna quelques années durant.
Affectés à leur demande au phare des Moutons, les Quéméré sont remplacés et les malheurs reprennent avec l’arrivée du gardien Ropars et son épouse en 1907. C’est d’abord le beau-père du gardien qu’une lame emporte, puis le couple perd un nouveau-né à la suite d’un accouchement difficile. Le toit de la maison est arraché par un ouragan peu de temps après. Ce fut la mésaventure de trop !
Force est de constater que le rocher eut raison de 23 gardiens de phare (dont 4 femmes) en 35 ans, l’administration décida en 1910 d’automatiser le phare en feu permanent à gaz. Aujourd’hui, le feu du Tévennec est alimenté par l’énergie solaire.
Entre fascination et bonne cause
Le Tévennec étant autonome, il n’y avait plus aucune raison de s’approcher de cette roche maudite. C’était sans compter sur la passion dévorante de Monsieur Marc Pointud (président de la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises), qui a décidé de passer 60 jours chez l’Ankou (la mort chez les bretons, sur qui nous reviendrons dans un futur article).
C’est du mois d’octobre à novembre qu’il vivra son aventure, encouragé par son ambition :
« Il est en très mauvais état et nous aimerions le restaurer mais nous n’avons pas de grands moyens. Cette opération est l’occasion de faire parler de nous, de notre combat pour maintenir les phares ouverts avant qu’ils ne meurent »
L’idée est simple et honorable : retaper la maison-phare et la mettre à disposition d’artistes en résidence. Le principe se pratique déjà ailleurs, comme avec l’ancien sémaphore d’Ouessant.
La passion sera-t-elle plus forte que la macabre histoire du Tévennec ? Le Finistérien est prêt à en découdre avec le rocher maudit !
« Ça ne me fait pas peur. J’aurai du temps, je crois. Là-bas, on vit parfois dans la brume. Tu ne vois pas à 10 mètres pendant une semaine complète »
Si l’aventure vient à se concrétiser, nous souhaitons bon vent et bon courage à Monsieur Pointud. Au-delà d’une performance artistique et humaine, c’est un véritable hommage aux âmes des marins disparus non loin du rocher. Si l’enfer fait perdre la raison seul en mer, nous reprendrons le conseil de certains Sénans et Capistes :
« Méfie-toi du Tévennec. »