Dans l’épisode précédent, nous revoyions ensemble les contes et légendes bretonnes du Morbihan. Pour ce quatrième et dernier épisode, ce sont les légendes costarmoricaines qui sont à l’honneur. Découvrez avec nous deux d’entre elles, puisées aux confins des campagnes, flirtant avec le réel.
La Femme aux deux chiens
A Penvénan, dans une époque ancienne, et dorénavant révolue, il n’y avait pas de fileuse aussi douée que Fant Ar Merrer, ni ailleurs dans la Bretagne. Tous les mercredis, il était coutume qu’elle aille vendre son fil à Tréguier. Un mardi soir, elle se mit alors en tête de se réveiller de bonne heure le lendemain et elle se coucha tôt. En plein milieu de sa nuit, elle se réveilla et fut surprise de voir que le ciel commençait déjà à s’éclaircir. Elle se prépara et se mit en route en direction de la colline de Croaz Ar Braban, en haut de laquelle se dresse une croix de granit.
Arrivée en bas, elle rencontra un jeune homme. Ils cheminèrent ensemble, côte à côte. Au milieu du trajet, le jeune homme attrapa le bras de Fant Ar Merrer, et lui dit : « Arrêtons ici ». Puis il la poussa dans le talus, l’écartant de la route. Il se plaça devant elle, comme pour la protéger. Soudain, un bruit sourd et violent se fit entendre. Un bruit en mouvement qui se rapprochait. Personne n’avait jamais entendu de tel fracas.
C’est alors qu’une femme arriva, en courant si vite qu’elle touchait à peine le sol.
Elle avait le visage déformé par l’horreur et la peur, ainsi que par le cri effrayant qu’elle poussait. Ses bras et ses cheveux dénoués s’agitaient au gré de ses mouvements désespérément affolés. Deux gros chiens lancés à vive allure la poursuivaient, l’un noir, l’autre blanc. A chacun de leurs bonds, le sol grondait depuis ses entrailles. Le femme livide se précipitait en direction de la croix de pierre, en haut de la côte.
Quand elle eut atteint les bords du calvaire, le chien noir parvint à l’attraper par le bas du tissu déchiré qui faisait office de robe. A ce moment, elle étreignit l’arbre de la croix et s’y cramponna si fort que le chien noir disparut en un aboiement terrible. Le chien blanc continua sa course, tout en ralentissant, et vint lécher les blessures de la malheureuse qui s’était effondrée au sol.
Le jeune homme se redressa et aida Fran à se relever. Et il lui dit : « Vous pouvez maintenant continuer votre route. Il n’est que minuit. Ne vous exposez plus à voir ce que vous avez vu. Je ne serai pas toujours là pour vous protéger. Il y a des heures où il ne faut pas être sur les chemins. Quand vous arriverez à Kervénou, entrez dans la première maison que vous verrez. Vous y trouverez un homme en train de mourir. Passez le reste de la nuit à réciter près de son chevet et ne sortez de cette maison qu’à l’aube ». Il s’en alla. Quelques peu perdue par tout ce qui venait de se passer devant elle, Fran Ar Merrer cria : « Mais qui êtes-vous ?! ».
« Votre bon ange ! »
Voici une légende qui vous fera réfléchir à deux fois avant de sortir en pleine nuit…
Le vieux et la peste de Plestin
Un soir sur les berges du Douron, un vieux de Plestin se baladait. C’était un soir comme un autre. Au gré de sa balade, il rencontra une femme. Elle était jeune, et assise au bord de l’eau. Le vieux entama une discussion avec elle. Elle venait de Lanmeur, que la peste venait tout juste de dépeupler. Elle demanda soudainement au vieux s’il accepterait de la prendre sur ses épaules et de lui faire passer l’eau jusqu’à la rive d’en face. N’y voyant aucun inconvénient, il ne la connaissait pas mais y consentit.
Il la porta sur ses épaules et entra dans l’eau du Douron.
Plus il avançait, plus le poids semblait s’alourdir, et le courant devenait plus fort. Mais il continua son chemin malgré la difficulté. A la fin, épuisé et le poids devenu insoutenable, il dit à la jeune demoiselle : « Je suis désolé, mais je vais vous laisser ici, je ne tiens pas à me noyer pour vous ». Déçue, elle lui signala qu’elle préférait être ramenée où elle avait été prise plutôt que laissée en pleine eau. Le vieux rebroussa alors chemin, sans trop de peine, car le poids s’allégeait à mesure qu’il revenait vers la berge.
On raconte alors que c’est comme ça que le pays de Lannion avait été préservé de la peste. Pour autant, si le vieux avait laissé la jeune femme dans l’eau, qui était en fait une vilaine groach’ (fée), le monde entier aurait été définitivement débarrassé de la peste.
Alors si parfois, au détour d’une rive, vous croisez une jeune femme qui vous demande de l’aider à passer l’eau, réfléchissez-y à deux fois avant de le faire.
La femme est très présente dans les contes et légendes bretonnes, notamment dans les Côtes-d’Armor. Vous l’avez lu, elle peut être en danger ou être le danger lui-même. Cette série consacrée au folklore légendaire breton nous rappelle que les pays celtiques ont toujours été bercés par la douceur (ou l’horreur) de l’imaginaire. Chacune de ces histoires puise sa force dans l’esprit humain.
Il est très plaisant de les croire, de les vivre et de les imaginer, car au fond, elles tendent à affirmer notre caractère, notre force et notre morale auprès de tous. Si elles continuent à être contées, elles maintiendront alors ce qui leur reste de terrifiant, ou non, et nous permettront de nous projeter dans les époques où elles sont nées, comme pour nous souvenir de nos ancêtres qui les ont créées.
Il est encore temps de découvrir ou de redécouvrir la série complète d’articles sur les contes et légendes bretonnes ! Laissez-vous guider !