Des histoires improbables, on en entend tous les jours, mais des comme celle-ci, il faut se lever tôt. Imaginez le tableau : et si votre voisin était un dealer de renommée mondiale ? Dans les Côtes-d’Armor, ce fait divers digne des meilleurs scripts de série est bel et bien arrivé. Voici qui est Gal Vallerius, le baron de la drogue planqué dans l’Ouest armoricain.
Le Narcos du 22
C’est dans la petite commune de Plusquellec (22), 600 âmes, qu’il faut se rendre. Le genre de petite bourgade où tout le monde met une tête sur quelqu’un et où aucun chamboulement n’échappe aux ragots du comptoir local.
Alors, quand à la mi-septembre 2017, des perquisitions ont lieu dans le bourg, le pourquoi du comment arrive très vite aux oreilles des locaux : le discret Monsieur Gal Vallerius est accusé d’être un baron de la drogue sévissant sur le « dark web ». Décrit par son voisinage comme quelqu’un de discret et au look de viking, nul n’envisageait un tel scénario.
Dark Web (ou deep web) : dans les bas fonds du web, inaccessibles via Google, pirates, dealers et même tueurs à gages naviguent incognito.
Inutile de vous dire que cette histoire nous envoie dans les limbes de l’internet, là où il ne fait pas bon traîner même par curiosité. À Plusquellec, la notoriété locale se tourne plus vers ses élevages d’épagneuls, plutôt que vers ses Pablo Escobar locaux. Vous trouvez la comparaison démesurée ? Attendez de lire la suite.
Se faire épingler, quelle barbe !
Mi-septembre, les policiers de la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Rennes viennent perquisitionner l’un des trois domiciles costarmoricains de Monsieur Gal Vallerius. Petit patrimoine bien sympathique pour un homme de seulement 38 ans. Sur place, la DIPJ saisit 50 000 euros en liquide et des stupéfiants. Sa femme présente sur les lieux, qui rentrait tout juste d’un séjour aux USA, n’avait pas été interpellée dans le cadre de cette enquête. Où était le principal intéressé ?
Au championnat du monde des plus belles barbes et moustaches naturelles.
Bon clairement, cette histoire prend des allures de box-office. Souvenez-vous, le look de Gal Vallerius est reconnaissable et sa barbe de viking est clairement son petit bijou. Son ancienne galerie Instagram aujourd’hui supprimée, laissait témoigner de son narcissisme du bout du menton. Lors de la précédente édition, il trônait à la huitième place mondiale ! Dommage, le 31 août 2017, il est interpellé à l’aéroport international d’Atlanta, alors qu’il se rend au concours, organisé à Austin. Ce jour-là, il quitte le terminal avec les enquêteurs et sa femme est expulsée immédiatement du territoire.
La sombre activité de Gal Vallerius
Pour connaître l’envers du décor, il faut se rapprocher de l’agent spécial en charge de cette arrestation : A.D. Love, de la DEA (Drug Enforcement Administration). Le genre de gars incorruptible qui ne dormira qu’une fois tous les trafiquants au trou et avec qui il n’est pas possible de négocier. Pour cette opération contre le baron de la drogue, la DEA était appuyée par le FBI et la Homeland Security Investigations. Autant vous dire que pour déplacer tout ce beau petit monde à la fête, il faut avoir ferré un gros poisson :
Voilà le pseudonyme qui crée toute cette agitation. Et vous savez quoi ? Gal Vallerius et Oxymonster ne font qu’un. Pour faire simple, le plusquellecois était le big boss d’un réseau mondial de distribution de drogue sur le Deep Web et était payé en Bitcoin.
Bitcoin : contraction des mots anglais bit (unité de mesure binaire) et coin (pièce de monnaie) est une monnaie cryptographique adossée à un système de paiement de pair à pair qui n’existe que sous forme numérique.
Récapitulons, Oxymonster marchandait des produits illégaux sur une partie cachée de l’internet et développait sa richesse avec une monnaie virtuelle et non traçable. Pas évident de mettre la main sur un poisson enfouit dans les abysses ! Alors, ils ont fait comment nos amis de la DEA ?
Pour une poignée de bitcoins
Tout d’abord, revenons sur le business du breton, qui utilise un site marchand appelé « Dream Market ». Pour le trouver, impossible de passer par les moteurs de recherche traditionnels comme Google, il faut se rendre sur la face cachée de l’internet : le deep web. Une fois sur cette structure en ligne, le baron breton mettait en relation des vendeurs et des acheteurs.
Dream Market en quelque chiffres :
- 94 236 offres
- Dont 47 405 uniquement pour les drogues
- Plus de 900 références dans la catégorie « stimulants »
Que trouver d’autres dans la boutique d’Oxymonster ? Des données et des tutoriels sur le hacking, la sécurité, des passeports, etc. Bref, l’attirail du parfait petit truand.
Petit à petit, la DEA fait son nid.
C’est grâce à un travail de fourmis que la DEA a réussi à mettre un nom sur la tête du réseau. Tout d’abord, en infiltrant le marché et en tissant des liens avec quelques vendeurs, permettant de fil en aiguille de les identifier dans la vraie vie. Rapidement, le pseudonyme « Oxymonster » apparaît nettement comme le maître de cette machinerie. Sur le site, il est même possible de noter sa prestation, comme si on commandait un livre sur Amazon. Le comble, c’est que ça note avoisine les 5 sur 5.
« Livre partout en Europe depuis la France » – Source Market Dream sur le compte Oxymonster
Ensuite, c’est en remontant plus de 70 transactions de Bitcoins que les forces de l’ordre trouvent sa réelle identité : Gal Vallerius. Pour finir, c’est en dénichant les réseaux sociaux privés du baron comme sa galerie Instagram et son Facebook que l’étaux se ressert définitivement. Les preuves sont désormais implacables et le timing parfait.
Oxymonster souhaite se rendre aux USA pour faire monter sa barbe sur le podium.
Dit comme ça, on ne s’en lasse pas ! Une simple recherche sur son ordinateur plus tard et ce n’est pas moins de 500 000 dollars de valeurs en Bitcoins qui ont été dénichés. Rien que ça. Morale de l’histoire ? Il faut mieux être rasé de près ! Plus sérieusement, le deep web ça fait peur, les Bitcoins c’est étrange et dealer c’est tout simplement idiot. Quitte à créer votre business en ligne, autant qu’il serve l’intérêt général.